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Où sont les jeunes?

14 Août 2010 , Rédigé par Collectif Anarchiste des Alpes-Maritimes

 

Où sont les jeunes ?

 

Lors d’une réunion, un camarade a posé cette question : pourquoi nos idées libertaires touchent-elles si peu les jeunes ? Cette question m’a paru, non seulement pertinente, mais fondamentale. De plus, elle me concerne aussi en tant que militante laïque ; j’y reviendrai peut-être. A la lumière de mon expérience personnelle, je voudrais essayer d’apporter quelques éléments de réponse.

 

Les jeunes, on en parle sans cesse, et la plupart du temps en mauvaise part. Le mot est presque une insulte. Dans notre société vieillissante, les jeunes représentent globalement une menace, alors qu’ils devraient représenter un espoir. Or, selon mon sentiment, rarement une société a eu aussi peu à craindre de sa jeunesse. A part quelques mouvements étudiants, vite essoufflés (du moins on nous l’a fait croire), la « jeunesse des escoles » est plutôt calme en comparaison d’autres époques, accaparée qu’elle est (et on la comprend) par le souci de son avenir. La crainte de cette société gérontocratique serait-elle justement de voir la jeunesse se réveiller ?

 

Le traumatisme originel reste Mai 68. C’est si vrai que Sarkozy en avait fait un de ses slogans de campagne : « en finir avec l’héritage de Mai 68 ». Depuis plus de quarante ans, la société fait tout pour éviter un nouveau Mai 68. Comment ? Il faut, par tous les moyens, persuader la nouvelle génération que, selon la formule, on ne peut pas « changer le monde ». J’ai été adolescente dans les années 70. Or, aussi loin que remontent mes souvenirs et ma réflexion, un mot ressort et domine tout : le mot « crise ». A quatorze ans déjà, parents et profs me répétaient que « c’était la crise », et que, si je voulais m’en sortir et réussir, il fallait « m’occuper de mes études ». Quoi que l’on fasse, la sentence tombait :

« Tu ferais mieux de t’occuper de tes études. »

Pourtant, je me souviens que les lycéens étaient encore assez politisés. En gros, les Jeunesses Communistes, la Ligue Communiste et Ordre Nouveau se partageaient le terrain.

N.B. Je me limite à la France ; mais, bien entendu, il serait intéressant de faire le parallèle aved ‘autres pays.

 

A partir des années 80, avec l’accession de la gauche au pouvoir et la vague rose, on fait de nouveau croire aux gens, et aux jeunes en particulier, que le monde peut changer : on se rappelle la formule emblématique « changer la vie ». Mais l’illusion est de courte durée. Et entre temps, un nouvel acteur est entré en scène, qui y est encore : le SIDA. Les dernières portes restées ouvertes depuis Mai 68 se referment et se verrouillent. Symboliquement, l’autre devient suspect, dangereux, un assassin en puissance. La droite dure, qui revient aux affaires en 1986, avec en vedette le tandem Pascua-Pandraud, en veut particulièrement aux jeunes. Plusieurs y laissent la vie, dont le plus célèbre, Malik Oussekine. Notons, mais cela va de soi, que ce ne sont pas les jeunes des classes privilégiées qui sont montrés du doigt, mais les jeunes prolétaires ou immigrés, tous délinquants potentiels.

 

Pour vous la faire courte, depuis ces vingt dernières années, c’est une autre stratégie qui est mise en jeu. Cette fois, après avoir dit aux jeunes que le changement était impossible ou dangereux, on tente de leur persuader qu’il n’est pas souhaitable. A coups de pub, on les gave de toute une pacotille de faux luxe, d’habits de marque, de portables sophistiqués, poudre aux yeux, illusion de richesse, tout le toc de cette société de surconsommation qui amuse ses esclaves avec des hochets qui brillent. Même la drogue, qui était un emblème de révolte, devient un signe de conformisme, que ce soit le crack bon marché des prolos ou la coc des grands bourgeois. Plutôt une jeunesse qui se drogue qu’une jeunesse qui pense ! Tout plutôt que de voir se lever le spectre d’une révolution ! La société d’aujourd’hui a la jeunesse qu’elle mérite : la jeunesse qui brûle les voitures ne fait que rendre la monnaie de sa pièce à une société qui ne lui offre d’autre idéal que le fric et la consommation, dont l’emblème le plus visible reste la bagnole.

 

Et maintenant, nous les libertaires, allons-nous en rajouter une couche en prenant des airs d’anciens combattants et en déblatérant contre cette jeunesse démobilisée ? Certainement non ; car, au fond, la plupart ne sont pas dupes, et à part les enfants de nantis, ceux qui se frottent de bonne heure aux rudesses de la vie savent qu’ils n’ont rien d’autre à attendre qu’un avenir de chômage chronique entrelardé de petits boulots. Cette jeunesse promise à la précarité, on l’empêch de se révolter en lui jetant çà et là quelques miettes d’aide sociale et en la berçant aux sirènes de la libre entreprise. Et quand plus rien ne marche, comme parfois dans les banlieues, il reste le dernier avatar du sabre et du goupillon : le couple antithétique et complémentaire du flic et de l’imam.

 

Pourquoi les idées libertaires prennent-ils peu parmi les jeunes ? J’y vois une première raison toute simple : c’est qu’ils ne les connaissent pas. Aucun écho dans les médias à la botte du pouvoir, ni dans l’enseignement, bastion d’une gauche traditionnelle en perte de valeurs, notamment du côté de la laïcité. Le phénomène s’accélère encore ces dernières années, avec la casse systématique de l’école publique ; ce que Blanqui appelait « l’attentat contre le cerveau ». Encore une fois, on a la jeunesse qu’on mérite !

 

Deuxième raison : la dernière révolution est maintenant trop ancienne. La prochaine pourrait bien venir des vieux soixante-huitards, qui arrivent à l’âge de la retraite.

 

Troisième raison : la jeunesse actuelle est largement multiculturelle, et l’anarchisme passe encor pour une idéologie strictement européenne. Une certaine jeunesse, qui pourrait être sensible aux idées laïques et libertaires, les perçoit comme intolérantes et dangereuses pour la paix et le fameux « vivre ensemble ». C’est ainsi que, sous couleur de pluralisme culturel, une partie du mouvement altermondialiste est tombé aux mains des fanatiques religieux. Dès lors, comment oser parler d’anarchisme ? Pourtant, il existe des mouvements anarchistes partout, même dans le monde arabe : nous les connaissons.

 

Quatrième raison : beaucoup de jeunes se laissent prendre au piège du communautarisme. Ils se laissent persuader qu’ils sont une classe à part dans la société. Certes, un jeune travailleur est exploité en raison de son âge qui le rend plus vulnérable ; mais il est exploité surtout parce qu’il subit l’oppression du système capitaliste, de manière différente, mais au même titre qu’un travailleur plus âgé menacé dans sa santé et son équilibre par des conditions de travail inhumaines. Mais nous savons depuis longtemps que tout pouvoir divise pour régner.

 

On disait autrefois qu’on était anarchiste à dix-huit ans et radical-socialiste à quarante ans. De nos jours, on assisterait presque à un renversement de tendance. Par crainte de l’avenir, certains jeunes adoptent de bonne heure un mode de vie très sage, et c’est seulement plus tard que, excédés par les injustices de la société, ils ouvrent l’oreille à un discours critique.

 

 

Trois questions à un jeune :

1° Crois-tu possible de changer le monde ? et dans quel monde voudrais-tu vivre ?

2° es-tu intéressé par la politique ?

3° as-tu entendu parler de l’anarchie ? Qu’est-ce qu’on t’en a dit, et qu’en penses-tu ?

 

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